Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Non à la fermeture des Centres d'Information et d'Orientation (CIO) dans l'Académie de Rouen

Le Rectorat de Rouen décide de fermer de nombreux CIO dans l'Académie en 2014-2015. Quelles conséquences pour les usagers, élèves, parents, étudiants, adultes ?...

A n'y rien comprendre

Publié le 5 Juin 2015 par cio académie rouen in Informations

A n'y rien comprendre

L'administration académique poursuit son processus de destruction des CIO, et le Ministère ne fait rien pour l'en empêcher. Nous supputons même que certains services de la Rue de Grenelle encouragent cette dégradation du service public.

Pourtant, par ailleurs, le travail s'accumule sur les épaules des quelques CIO survivants.

Outre les missions traditionnelles d'accompagnement de tous les publics scolarisés, de premier accueil des publics adultes, d'observation des flux d'orientation du secteur, de coordination et d'animation sur ce même secteur (plateformes de suivi et d'appui aux décrocheurs, réseau Foquale, bassin emploi-formation), voici que deux nouvelles activités -chronophages- apparaissent dans le paysage.

C'est tout d'abord le "partenariat" avec la Région, qui coordonne le SPRO, c'est à dire le Service public régional d'orientation, dans lequel on trouve notamment les Missions locales et les Centres d'information départementaux jeunesse (CIDJ). Ce SPRO prend en charge des publics non scolarisés, en vue d'un accompagnement sur leur projet professionnel.

Les CIO, qui s'occupent quant à eux des publics scolarisés, ne font pas partie du SPRO. mais il peuvent y être associés sur certaines actions. Les derniers textes, convention et cahier des charges, montrent une volonté affichée d'aller plus loin que ce simple "partenariat", tentant d'imposer aux CIO des pratiques qui leur sont extérieures en niant leur spécificité (horaires, objectifs, façons de recevoir le public et de mener des entretiens...).

Cela est inacceptable, d'un point de vue déontologique et juridique ; par principe, donc. Mais c'est aussi amener progressivement les CIO à prendre en charge et accompagner des publics qui ne relèvent pas de leurs missions prioritaires, en abandonnant les publics scolarisés. Ce risque est d'autant plus grand que les CIO disparaissent : moins de CIO, et leurs activités éparpillées vers les publics adultes. Qui pour prendre en charge les publics scolaires ???

La seconde "nouvelle" mission des CIO, le retour en formation des 16-25, fait l'actualité. A grand renfort de communication clinquante, la Ministre a annoncé en grande pompe que tout jeune qui aurait quitté le système sans diplôme aurait le droit à un temps de formation complémentaire, afin de se qualifier. Notez bien que rien n'est précisé sur l'obligation de valider un diplôme.

En audience syndicale au Rectorat, des collègues du SNES avaient posé la question en janvier dernier, dès la parution du premier texte : comment cela allait-il concrètement se décliner dans notre académie, et surtout, quelle allait être la charge de travail des CIO dans ce cadre ? Jusqu'alors, ce que l'on nommait "l'éducation récurrente" concernait peu de public, et aboutissait à de très rares affectations dans les établissements de jeunes adultes sortis du système scolaire depuis plus d'un an...

Mais avec ce texte, il nous semblait que tout changeait : l'injonction nationale à rescolariser semblait forte, avec la mise en place d'un droit opposable au retour en formation initiale... Notre administration rectorale, en janvier, s'était voulue rassurante : "Oh, mais ne vous inquiétez pas, on attend encore les circulaires d'application, tout cela va prendre un certain temps, et puis, cela concerne essentiellement l'accès à l'apprentissage, cela ne vous concerne pas, cela va davantage relever d'autres organismes...".

Tu parles. A l'époque, déjà, nous trouvions que les paroles se voulant "rassurantes" de la part d'un rectorat qui n'a jamais tenu aucun engagement vis à vis des CIO, s'avéraient en fait très inquiétantes. Et nous avions bien raison de le penser.

Comme d'habitude, notre administration a noyé le poisson. Car aujourd'hui, il est question que les CIO deviennent des lieux de référence pour la mise en place de ce droit au retour en formation. Comprenons-nous bien : beaucoup de collègues pensent que sur le principe, ce droit est une excellente idée. Combien d'ados en manque de repères et de règles décident d'arrêter l'école sur un coup de tête, et le regrettent amèrement une fois devenus jeunes adultes ? Qu'on leur permette de reprendre une formation initiale pour rattraper le temps perdu ne peut être qu'une bonne idée.

Oui mais voilà, cela risque d'être un coup d'épée dans l'eau ! Une nouvelle fois, il y a un gouffre entre la parole du Ministère et les actes ! Le site internet du droit au retour en formation indique clairement que ce seront des "conseillers d'orientation" qui prendront en charge la demande. Qui sont ces "conseillers d'orientation" ?

S'il s'agit des personnels de CIO, la mention "psychologues" est nettement mise de côté. Pourquoi ? Nous avons un titre, et nous exigeons qu'il soit respecté. Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement.

S'il s'agit des personnels que l'on trouve dans l'ensemble des organismes, c'est un abus de langage. Il n'existe pas de conseillers d'orientation dans les Missions locales, à Pôle-Emploi ou encore au CIDJ. Et puis il est malsain, voire dangereux, de désigner tout le monde sous le même titre, alors que nous ne faisons pas du tout les mêmes métiers !

En réalité, si l'on regarde attentivement un exemplaire du dossier de droit au retour en formation sous statut scolaire établi par le Rectorat, on constate que l'avis porté sera donné par un référent du SPRO (Mission Locale, CIDJ...) ou bien un COP ; la différence est mentionnée, ce qui semble aller dans le bon sens (pour une fois !).

Cependant, la publicité mise en oeuvre par le Ministère risque bien de provoquer un engorgement, les demandes se multipliant. La prise en charge d'un jeune, son suivi, nécessitent beaucoup de temps, entre l'explication de la procédure, la vérification des critères requis (notamment le niveau scolaire), le choix de la formation, la collecte des pièces justificatives, l'entretien et la rédaction de l'avis, sa transmission, le suivi de la décision...

Pourtant, les postes de COP ne sont pas multipliés. Pourtant, notre profession est toujours la dernière roue du carrosse de l'Education nationale avec 30% de contractuels et des titularisations rares par la voie du concours réservé, celui qui est censé reconnaître la compétence des COP exerçant depuis quelques années en contrat précaire. Pourtant, on ferme des CIO, limitant l'accès géographique, niant la proximité avec des publics en difficulté, comme sur Bernay ou les quartiers nord du Havre, les publics principalement concernés par cette mesure !...

On marche sur la tête. C'est du grand n'importe quoi.

Entendons-nous bien encore une fois : les personnels de CIO n'ont rien contre des partenariats fructueux avec les Missions locales ou les organismes CIDJ, pourvu que ces partenariats respectent les missions de chaque personnel, dans l'intérêt des jeunes. Ces partenariats existent déjà (plateformes de lutte contre le décrochage, actions "Assure ta rentrée"...), mais risquent d'être mis à mal dans un grand élan de contre-productivité organisé par des administrations qui ne comprennent rien aux logiques de terrain !

Entendons-nous bien aussi sur le fait que les personnels de CIO n'ont rien contre le principe du droit au retour en formation initiale ; ce devrait être même, au contraire, un outil formidable au service des jeunes en difficulté ! Hélas, l'action écrasante et sans finesse des administrations limite de plus en plus les moyens qui devraient au contraire être redéployés en vue de la réalisation de ce droit : davantage de COP, et un réseau des CIO intégralement maintenu en l'état, voire lui aussi redéployé !

Qu'il nous soit permis aujourd'hui d'appeler les choses par leur nom : bêtise.

Oui, nous ne pouvons que constater la sottise absolue des politiques menées par les administrations ministérielle et rectorale, quand elles prétendent développer l'orientation des jeunes en acceptant tout et n'importe quoi dans la mise en place du SPRO, et en précipitant les fermetures de CIO !

Ce n'est ni l'intérêt des jeunes décrocheurs, ni l'intérêt des enfants et ados scolarisés.

Sauvons nos CIO !

Commenter cet article